Arpenter l’urbain autrement

Présentation

Depuis le XIXème siècle, l’urbain est un lieu de notre espace proche et un terrain affectif de déambulation, exploration, observation libre pour les écrivains et les chercheurs en sciences sociales notamment les géographes, philosophes, sociologues et historiens, pour voir, mais aussi appréhender le réel et comprendre/écrire le monde dans lequel ils habitent.
Beaudelaire, Walter Benjamin, les Situationnistes, Georges Pérec et plus récemment Philippe Vasset ou encore Nicolas Offenstadt se sont baladés, perdus, parfois stationnés dans ces lieux de « l’infra-ordinaire », et nous ont donné une trace photographique, cartographique, scientifique ou littéraire.
Cette fabrique discursive des espaces multiples qu’ils soient centraux (le port à Marseille, la place St Sulpice à Paris) ou très souvent marginaux, délaissés, parfois largement transformés depuis ces expériences ; est une véritable « archéologie du monde contemporain » selon l’archéologue Séverine Hurard (INRAP).

Expérience

Les simples citadins se sont emparés de ces pratiques déambulatoires pour en faire un loisir de proximité, gratuit, parfois illégal (Urbex, Urban exploration), qui permet de s’offrir un voyage exploratoire inédit, sensoriel et politique dans un patrimoine historique, culturel ou naturel que l’on ne regarde plus parce qu’il est fermé, abandonné, marginal (friche industrielle) ou à l’inverse trop quotidien et donc invisible.

Ces pratiques récréatives expérientielles alternatives, se développent depuis les années 1970 (post-fordiste). L’exploration urbaine transgressive et discrète, a produit une codification rigoureuse https://urbexsession.com/les-regles-lurbex/ de cette pratique émotionnelle « inattendue et jouissive ». L’objectif étant de « ne laisser que des traces de pas » pour ne pas détériorer les lieux, cette expérience ne peut être mise en tourisme sans être dénaturée car normalisée, marchandisée comme le montre le travail de thèse en cours d’Aude le Gallon, De l’exploration urbaine au tourisme de ruines : imaginaires, pratiques et valorisations touristiques des espaces urbains abandonnés à Berlin et Détroit. (Université Panthéon Sorbonne).

Questions

Cette exploration urbaine pose des questions légitimes sur le patrimoine, sa production, ses rejets (face à la construction immobilière notamment), ses évitements (idéologiques ?). Elle permet parfois une connaissance/réappropriation/valorisation post urbex de certains lieux délaissés à l’exemple des usines Fagor/Brandt de Gerland qui étaient vouées à la destruction avant leur « reprise » par un évènement culturel éphémère les Nuits sonores ou encore la Biennale d’art contemporain de cette années 2019/2020.

Elle nous permet de réfléchir aussi aux lieux qui font ou ne font pas tourisme, aux producteurs des espaces touristiques et questionne les raisons de leurs choix.

De simples individus (citoyens qui retrouvent le « droit à la ville » d’Henry Lefebvre) accède « au bien commun » qu’est la ville par l’exploration, avec un rapport à l’histoire et la géographie des marges singulier qui va à l’encontre de la touristification actuelle et de sa « cartépolisation ».

 

Aller plus loin

Bibliographie :

Walter Benjamin, Sur le haschisch, traduit de l’allemand par J-François Poirier, Christian Bourgeois éditeur, Paris, 2011.

Guy Debord, « Théorie de la dérive », Les Lèvres Nues, n 9, novembre 1956. https://www.larevuedesressources.org/theorie-de-la-derive,038.html

Philippe Vasset Un livre blanc Fayard, 2007.

Nicolas Offenstadt, Le pays disparu, Stock, 2018.

 

Webographie :

http://www.ihmc.ens.fr/181018-exploration-urbaine-urbex-historien-sciences-sociales.html

http://www.xbismuth.net/nonsite/index.php/atelier-geographie-parallele

https://misanthropologue.hypotheses.org/1511

Ida Porfido, Un livre blanc de Philippe Vasset ou le silence des cartes, Revue italienne d’études françaises [En ligne], 5 | 2015, mis en ligne le 15 décembre 2015 https://journals.openedition.org/rief/1038

Aude le Gallou, Thèse en cours débutée en 2016 « De l’exploration urbaine au tourisme de ruines : imaginaires, pratiques et valorisations touristiques des espaces urbains abandonnés à Berlin et Détroit ». https://www.pantheonsorbonne.fr/fr/ufr/irest/eirest/chercheurs/page-perso-chercheurs/aude-le-gallou/